Jeune femme de 27 ans, Eli trace son petit bout de chemin à la pointe de son aiguille. Son métier ? Tatoueuse. Elle a la fraîcheur de la jeunesse et la sagesse de ses ancêtres. Ses origines mêlées, polynésiennes et françaises, confèrent à son art une originalité touchante.
Je rencontre Eli dans son salon, à Pirae. Photographies de ses réalisations, tapas encrés de motifs, livres sur le tatouage traditionnel, les murs sont lumineux et inspirant. Confortablement installée, elle me confie son parcours.
Eli se destine d’abord à devenir architecte d’intérieur, elle étudie à Paris. Pour intégrer sa culture à l’un de ses projets, elle se penche sur les motifs polynésiens.
« Je me suis perdue dans mes recherches, passionnée par ce que j’apprenais. »
Têtue et bouillonnante d’idées, Eli arrête ses études pour mettre à profit son apprentissage à travers le tatouage. Elle revient en Polynésie et apprend “à l’ancienne” pendant un an dans un salon. Elle observe, dessine, peint, étudie… mais ne tatoue pas encore ! Une formation de six mois à l’école Française du Tatouage lui apprend la technique. Tracés, ombrages, couleur et remplissage : elle s’entraîne sur des peaux de pamplemousse et de cochons.
L’envie de retrouver ses proches à Tahiti et de se lancer appelle la jeune femme à revenir au fenua. Il y a cinq ans, elle intègre Tikahiri, le salon d’Aroma Salmon, surpris de voir une femme pratiquer le tatouage mais persuadé par son book. « C’était rare à l’époque, j’étais peut-être la seule à Tahiti. Être reconnu en tant que tatoueur est difficile, encore plus
lorsque tu es une fille. »
Avec Aroma, elle expérimente le partage de la culture qu’elle aime tant, au-delà du côté commercial de l’activité de tatoueur.
« Je considère avoir appris à tatouer chez lui. J’avais mon style à moi, il a revu ma technique et je fais aujourd’hui tout le contraire de ce que j’ai appris à l’école. »
« Il y a mille tatoueurs et mille façons de tatouer, il m’a fait comprendre ça. »
Eli reste deux ans avant de se lancer seule dans l’aventure du tatouage et d’ouvrir son propre shop fin 2018 : Eli M Tattoo. Avec une philosophie bien à elle : le besoin d’avoir une connexion avec la personne qu’elle tatoue. Pour la jeune tatoueuse, il s’agit avant tout d’un métier humain où le partage va bien au-delà du moment passé au salon.
Quelques expériences fortes l’ont marquées, en tatouant des personnes aux vécus particuliers. Elle me raconte et je vois la chair de poule sur ses bras, Eli est habitée par son art. « Je vais te donner ce tatouage, mais je vais aussi prendre pour moi ce que je vais y mettre. » Un échange sincère et authentique.
Le style d’Eli mêle motifs locaux et formes géométriques. Grâce à ses cours de modèle et de perspective, elle connaît bien l’anatomie du corps humain, importante pour mettre en valeur certaines zones. « Je travaille les espaces et les pleins, chacun a un corps différent. »
Avec une pointe de tradition, un soupçon de folie et une bonne dose d’imagination, Eli innove et crée au rythme de ses inspirations.
« J’ai un pied dans le côté culturel. C’est important de rester dans les traditions, de garder les acquis, et aussi de les faire évoluer. »
Une jeune femme tournée vers l’avenir, à l’énergie étincelante. à découvrir sans tarder !
C.L.