Le mois de juillet est là et nous surprenons le souffle d’une baleine à bosse dans le lagon. ça y est, cette grande migratrice est arrivée en Polynésie et apercevoir sa nageoire caudale s’élever au-dessus des flots est toujours un moment fascinant !
Après plusieurs mois passés en Antarctique, les baleines à bosse parcourent des milliers de kilomètres pour donner naissance à leurs petits dans les eaux chaudes du Pacifique. Elles y allaitent leurs baleineaux avant leur première grande migration vers l’Antarctique. Les baleines perdent ainsi jusqu’à un tiers de leur poids, soit environ dix tonnes. Les baies et lagons leur offrent un abri face à leurs prédateurs naturels : les requins et les orques.
Aujourd’hui, les activités humaines perturbent les baleines, venues dans nos lagons chercher du calme et du repos. Les mises à l’eau, l’approche et la vitesse des bateaux sont sources de stress et parfois de collisions. Deux associations agissent pour sensibiliser la population au respect de ces grands mammifères marins, dans le sanctuaire que leur offre les eaux limpides de la Polynésie. Zoom sur…
Un souffle au loin, un dos, une caudale, une nageoire… C’est ce que nous cherchons tous à apercevoir durant cette période bien connue en Polynésie : celle des baleines à bosse.
La baleine fascine, attire le regard, force l’admiration et questionne. La petite Charlotte, quatre ans, n’y échappe pas lorsqu’elle découvre pour la première fois l’histoire du grand bleu sur une cassette VHF, du Commandant Cousteau. Depuis, elle a tout mis en œuvre pour accomplir son rêve : devenir Cétologue (Biologiste spécialiste des cétacés). Objectif réussi pour la jeune femme qui a bien grandit et exerce aujourd’hui en Polynésie.
Elle constate que de nombreuses questions restent sans réponse concernant les cétacés peuplant nos eaux. C’est ainsi qu’elle fonde en décembre 2017 l’association Oceania, avec trois objectifs principaux :
Plusieurs actions sont menées, notamment la sensibilisation auprès des enfants et jeunes du fenua. Charlotte a su s’entourer de passionnés comme elle et c’est ainsi qu’ensemble, ils interviennent dans les écoles (de la primaire à l’université) et centres de vacances de Tahiti, Moorea et parfois dans les îles éloignées.
Vigie Sanctuaire est peut-être l’action la plus connue du grand public.
Il s’agit de l’unique programme d’étude ayant pour but d’améliorer les connaissances sur le risque de collision entre Tahiti et Moorea, où se croisent près d’une centaine d’individus. La présence de MMO (Marine Mammal Observer) à bord des ferries permet d’acquérir une meilleure compréhension des situations de collision entre ces navires et les grands cétacés pour mieux les anticiper et les éviter. A ce jour, ce programme cumule 1 295 heures d’observation et a permis de détecter près de 150 cas potentiels de collisions.
Équipés de jumelles, les MMO se postent sur le toit de deux des trois navires à grande vitesse entre Tahiti et Moorea durant toute la période de présence des baleines à bosse dans nos eaux.
Pourquoi autant d’actions, de passion et d’énergie pour les baleines ?
En plus d’être majestueuses, mystérieusement habiles dans l’eau malgré leur masse, les baleines ont un rôle prédominant pour notre environnement. En effet, leurs déjections nourrissent les phytoplanctons, à l’origine de 50% de l’oxygène présent sur Terre. Nous devons donc beaucoup à ces grands animaux marins. Leur préservation est capitale pour nos propres vies. Charlotte et tous les membres de l’association Oceania l’ont bien compris…
En savoir plus :
Prévenue par une habitante de Moorea, l’équipe de Mata Tohora scrute les flots. La baleine et son baleineau sont repérés près du récif, dans la baie de Vaiare. Le voile de la nuit tombe doucement sur l’horizon et le ciel se teinte de pastel. La baleine ne sera bientôt plus visible, il faudra la repérer grâce au son de son souffle.
Sur le petit bateau, les bénévoles de l’association sont bien entraînés.
Leur objectif ? Éviter une collision entre les deux cétacés et les navires qui font la navette entre Tahiti et Moorea. Ils entendent le souffle quelques mètres plus loin, sur la trajectoire du navire qui s’apprête à quitter le quai. Agnès prévient le Capitaine par radio et le navire sort de la baie à vitesse réduite afin de ne pas heurter la baleine et son baleineau. Soulagée, la petite équipe passe la nuit sur le bateau, sous le regard bienveillant des étoiles, attendant que le jour se lève et que les baleines quittent la baie.
Voilà l’une des missions de l’association Mata Tohora, créée par Agnès, docteur en océanologie. Et pour comprendre d’où lui vient cette volonté de fer de préserver les cétacés, un retour en arrière s’impose.
Après avoir écrit une lettre au Commandant Cousteau dans son enfance, Agnès se spécialise dans l’étude des récifs coralliens et des mammifères marins. Elle arrive en Polynésie il y a vingt ans. L’endroit rêvé pour cette scientifique amoureuse du grand bleu et de ses habitants.
L’aventure Mata Tohora commence en 2011 par la journée de la baleine, destinée aux enfants défavorisés afin qu’ils observent et apprennent à connaître les grands cétacés.
Un projet fait de partage, d’humanité et d’amour.
Au fil des années, Mata Tohora diversifie ses activités. Conférences, animations scolaires et pour le grand public… L’association est uniquement constituée de bénévoles de tous horizons, passionnés et engagés dans des projets innovants pour améliorer et transmettre leurs connaissances. L’équipe de l’association compte aujourd’hui de nombreux scientifiques et Agnès dirige également des recherches en biologie des cétacés. Ensemble, ils créent des programmes de recherche pour identifier et mesurer les menaces pesant sur les mammifères marins.
Parmi l’équipe Mata Tohora, une cinquantaine de référents bénévoles composent un vaste réseau basé sur de nombreuses îles pour intervenir et secourir les baleines et dauphins en difficulté (échouage, non respect des règles d’approche, animal coincé contre le récif, dans les lignes de pêcheurs ou les lignes perlières). Agnès forme ainsi chaque année pompiers, gendarmes, pêcheurs ou encore vétérinaires.
La chercheuse remarque une prise de conscience et un plus grand respect pour ces animaux emblématiques depuis plusieurs années. Grâce à ses nombreuses actions et études, Mata Tohora participe activement à ces changements et incite aux observations respectueuses avec son Label de “Whale Watching” et son programme “C’est Assez !”.
à travers ces quelques lignes, Agnès souhaite transmettre un message du cœur.
« Si tu aimes les baleines, ne les dérange pas. »
Alors participons tous à faire de la Polynésie un havre de paix pour les animaux marins.
En savoir plus :
D.I. et C.L.